Broyez du bleu
Le bleu ne fait pas de bruit.
C’est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l’attire à soi, l’apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu’en elle il s’enfonce et se noie sans se rendre compte de rien.
Le bleu est une couleur propice à la disparition.
Une couleur où mourir, une couleur qui délivre, la couleur même de l’âme après qu’elle s’est déshabillée du corps, après qu’a giclé tout le sang et que se sont vidées les viscères, les poches de toutes sortes, déménageant une fois pour toutes le mobilier de ses pensées.
Indéfiniment, le bleu s’évade.
Ce n’est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l’air. Un empilement de clarté, une teinte qui naît du vide ajouté au vide, aussi changeante et transparente dans la tête de l’homme que dans les cieux.
L’air que nous respirons, l’apparence de vide sur laquelle remuent nos figures, l’espace que nous traversons n’est rien d’autre que ce bleu terrestre, invisible tant il est proche et fait corps avec nous, habillant nos gestes et nos voix. Présent jusque dans la chambre, tous volets tirés et toutes lampes éteintes, insensible vêtement de notre vie.
Jean-Michel Maulpoix
© Mercure de France, 1993
On pourrait en fait remplacer le mot « bleu » par « vert ». Exemple :
Le vert ne fait pas de bruit.
C’est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l’attire à soi, l’apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu’en elle il s’enfonce et se noie sans se rendre compte de rien.
Le vert est une couleur propice à la disparition.
Une couleur où mourir, une couleur qui délivre, la couleur même de l’âme après qu’elle s’est déshabillée du corps, après qu’a giclé tout le sang et que se sont vidées les viscères, les poches de toutes sortes, déménageant une fois pour toutes le mobilier de ses pensées.
Indéfiniment, le vert s’évade.
Le vert, une réanimation brutale, tel un soufflet sur la joue !
Une couleur effrontée, sonore qui claironne et vibre de tous ses cuivres.
Le vert déterre, « exprime » et vivifie les labours d’hiver.
Le vert nous débarrasse des moisissures de nos pensées.
Le vert a des nuances sucrées, figue dépourvue d’amertume,
coque de l’amande en sa jeunesse, tendre, ignorante, un lait.
Le vert s’évade, et avec lui, nous.
A ta manière, à la mienne, un échange de couleur 🙂
Et vérifie bien que tes salades ne se pâment pas de bleu.
Très beau texte, une fois de plus.
De toute façon, vert et bleu sont liés.
Et nul doute que si mes laitues se pâment de bleu, j’en serais vert de rage ! 🙂
Quelle façon magnifique de montrer les choses!! Ce bleu qui est transparence et infini et cette fleur de la terre qui semble avoir poussé dans la mer!
Une mise en appétit pour les végéterriens 🙂
notre jolie petite planète bleue c’est pas pour rien !
Un « rien » de plénitude, évanescent, une seconde d’éternité
Hier soir, j’ai regardé une vidéo qui était toute entière dans le ton bleu.
C’était une belle chanson de Leonard Cohen : ‘Famous BLUE raincoat ». Allez, je vous donne le lien car la chanson est extraordinaire et il y a beaucoup d’émotion dans la voix du maître :
Bonne écoute !
Merci ! J’aime tout chez Léonard !
… bien broyer : les bris d’écume sont des petits os.
cristallins et salés 🙂
C’est le bleu-vert que j’aime parce que c’est la mer…
« Racontez-moi la mer »
Merci, Frédérique, votre texte sur le bleu est d’une beauté époustouflante…. et les photos font rêver, comme d’habitude..
Peut-être pourrez-vous découvrir et vous attarder sur le site de Jean-Michel Maulpoix ?
Un très beau texte
le bleu, couleur de l’infini
et pourtant le bleu me résiste et je lui résiste
il m’est très difficile de travailler le bleu
c’est une couleur qui m’est difficile
;_)
J’ai pourtant un souvenir de « persiennes«
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Comme j’aime ces vagues et cette magnifique fleur! Tout est réuni pour un beau printemps!
Belle soirée, Frédérique 😉
Qu’il vienne, qu’il vienne ! Merci Denise.
Avec le bleu, on ne peut se faire un sang d’encre, alors c’est avec lui que je te l’écris..
Quelques violettes dans l’encrier prêtes à fleurir ? 🙂
le texte est sublime et cette vague elle m’appelle j’ai envie de plonger dedans !
Une voie d’eau rafraîchissante 🙂
ah du bleu comme ça.. je ne le broie pas!!! je le savoure! 😛
Interminablement 🙂
Merci Frédérique, ce bleu me fait du bien alors que je broie du noir.
Faut pas, tu voyages, Venise, il en reste quelque beauté, non ?
Maintenant, c’est vrai que les voyages intérieurs sont parfois obscurs,
mais la lumière, Zoé, elle monte, le printemps… les jours s’allongent,
une corde pour se hisser, non ?